Et si au lieu de Spielberg, Tintin était réalisé par Lars von Trier, Ken Loach, François Ozon ou Tarantino ?
Hier je suis allée voir Tintin, en amatrice absolue de la bande-dessinée d’Hergé.
Je ne vais pas vous faire une longue critique, il y en a déjà eu des dizaines.
De «j’aime pas» à «à la folie», elles égrènent tous les pétales d’une marguerite.
En toute honnêteté je suis restée un peu sur ma faim -moi aussi!-, malgré le fait que le Karaboudjan soit mis à l’honneur.
C’est un aimable divertissement, les acteurs, notamment Haddock, sont attachants et le début, qui nous plonge vraiment dans l’univers du héros d’Hergé, est envoûtant.
Mais, d’un autre côté, l’accumulation d’explosions et de cascades invraisemblables donnent souvent l’impression d’être plus dans un dessin animé adapté d’Indiana Jones que de Tintin.
Et justement, le public ciblé n’est sans doute pas le bon: dans ma salle il n’y avait que des vingtenaires, alors que c’est définitivement un film à aller voir avec ses gamins.
Je me suis d’ailleurs plusieurs fois demandée: l’aurais-je plus apprécié si je ne connaissais pas du tout la BD?
Sans doute, et c’est pourquoi je ne suis pas trop inquiète pour son succès aux Etats-Unis.
Une chose est sûre c’est bien un film de Spielberg que j’ai vu hier soir plus qu’une adaptation fidèle de Tintin (pour cela, il y a l’excellente série de dessins animées sortie en 1992).
Le réalisateur américain a véritablement imprimé sa patte au film, tout comme il le fera pour les 7 boules de Cristal et le Temple du Soleil qu’il a d’ores-et-déjà prévu d’adapter.
Mais pour les autres albums, on ne pourrait pas trouver d’autres metteurs en scène, qui imprimeraient eux-aussi leur marque de fabrique ?
Voici une petite liste fantasmée des réalisateurs que je voudrais pour adapter certains albums de Tintin:
- Tintin en Amérique par Clint Eastwood
Il y a ceux aussi qui se retrouvent enfermés dans un trou, ceux attachés sur une voie de chemin de fer, poursuivis par les Indiens ou jetés dans le lac du Michigan avec une haltère aux pieds.
La visite de Tintin aux Etats-Unis est un mélange de films de gangster et de western à grands-espaces. Pour le porter à l’écran, je ne peux m’empêcher de penser à Clint Eastwood (peut-être assisté de Scorsese).
A moins que les frères Coen ne soient finalement les plus aptes à retranscrire l’ambiance complètement foutraque de cet album.
- Le Lotus Bleu par Wong Kar-wai
L’artiste chinois a aidé Hergé à faire son premier album vraiment documenté, qui retranscrive fidèlement la Chine des années 1930. Pas question de changer de recette pour l’adapter au cinéma : il faut un réalisateur chinois. Wong Kar-wai fait même mieux puisqu’il est natif de Shanghaï, où se déroule l’action du Lotus.
Imaginez les scènes dans la fumerie d’opium, toutes en flou artistique et en lumières troubles, ou encore le traitement de la folie de Didi, le coupeur-de-têtes compulsif de la BD…
Ca fait rêver non?
- L’Île Noire par Ken Loach
Le réalisateur britannique ferait de l’Île Noire un vrai film social à l’anglaise, avec des briques, de la bière et des cheminées d’usine. Séquence phare : l’arrivée du héros dans le village de Kiltoch. Tous les pêcheurs sont au pub et noient leur désespoir dans du mauvais whisky, parce qu’une directive européenne qui protège le saumon les a mis au chômage technique.
Quant aux faux-monnayeurs de la BD, ils seront l’incarnation de la prédation financière la plus éhontée, que le prolétaire-reporter va mettre à bas.
- L’étoile mystérieuse par Lars von Trier
Normalement il y a tout pour plaire au réalisateur danois.
«C’est le châtiment! Faites pénitence! La fin des temps est venue!» pourra-t-il gueuler sur la Croisette, en se moquant du méchant dans l’Etoile mystérieuse, Monsieur Bohlwinkel, alias Blumenstein dans la première version. Un vilain tellement 1942…
- L’Affaire Tournesol par George Clooney
Deux pays qui s’affrontent et rejouent en miniature la Guerre Froide, voilà une mission toute trouvée pour Georges Clooney qui s’est fait une spécialité, depuis quelques années, de faire des films sérieux et politiques. Et comme il possède une vision “européenne” du bien et du mal, sans doute montrera-t-il la Bordurie moins méchante que la manière dont Hergé la caricature.
Après tout, le spectateur connaît souvent ses James Bond sur le bout du pistolet et sait que l’exfiltration plus ou moins forcée de scientifiques du camp adverse fait complètement partie du jeu.
Face à cette realpolitik, Tintin paraîtra naïf et un peu dépassé mais, en s’enfonçant dans la nuit noire bordure, on ne pourra s’empêcher de lui souhaiter, «Good Night, and Good Luck».
- Coke en Stock par Costa-Gavras
Pour retranscrire un des albums les plus politiques de la série, ne cherchez plus, il faut Costa-Gavras. Coke en Stock ressemble à une compilation des thèmes de prédilection du réalisateur.
Il ferait de la traite négrière en Mer Rouge une évocation de l’immigration clandestine comme dans Eden à l’Ouest. Les conflits entre Ben Kalish Ezab et Bab El Ehr lui permettraient de faire une charge contre le régimes autoritaires, comme il l’avait fait sur le régime des colonels en Grèce dans Z ou à propos de l’Amérique du Sud dans Etat de Siège.
Sans oublier, bien-sûr, de souligner le rôle de l’Occident dans le soutien à ces dictatures.
- Tintin au Tibet par Terrence Malick
Et l’unique cordeau des trompettes marines qui résonnent à travers l’étendue glacée de l’Himalaya, remontant les sommets enneigées – plan séquence – pour s’attarder sur un petit homme dans le froid – plan serré sur le visage de Tchang. Il a peur, le saviez-vous ?
Plan resseré sur ses yeux. Soudain ! Le Yéti. Plan en contre plongée, musique classique.
Tintin, où es-tu? La nature, l’homme, le bruit du vent dans la neige, le rapport au monde, l’infiniment petit face au grand sublime.
Tintin au Tibet transformé en grand film métaphysique auquel on ne comprendrait pas tout.
Car tout est Terrence qui lui même est dans Malick. Ou l’inverse.
- Les Bijoux de la Castafiore par François Ozon
Si Claude Chabrol n’avait pas cassé sa pipe l’an dernier, le film lui serait revenu de droit.
Mais François Ozon fait un très bon substitut pour filmer, à la 8 Femmes, ce huis-clos bourgeois que sont les Bijoux. Dans un Moulinsart claustro, les personnages navigueraient entre mensonges et faux-semblants, et la recherche de l’insaisissable voleur serait l’occasion de passer au révélateur les faiblesses non-avouables de chacun.
Un profond malaise ressortirait de ce long-métrage feutré.
- Tintin et les Picaros par Quentin Tarantino et Robert Rodriguez
Une ville pourrie, une jungle qui gratte, des révolutionnaires en cotillons et des carnavaliers alcooliques, des tirs stupides et des procès arbitraires, Tintin et les Picaros et l’album idéal pour Tarantino et Rodriguez.
Avec un Séraphin Lampion en serial killer à chemise à fleurs et sarbacane en carton, et une Castafiore qui violerait les gardiens de prison, le général Tapioca n’a qu’à bien se tenir.
Tout cela avec une BO complètement folle, mélange d’opéra rock et de samba chocolat.
Manuel
#840
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