miércoles, noviembre 16, 2011

Dark side


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Dans une galaxie très lointaine,
j'étais fan de Star Wars


Les «5 étapes du deuil»,
ou le résumé de 12 années difficiles depuis la sortie de la prélogie Star Wars


Je suis fan de Star Wars.
Et si je parle au présent, c’est à la manière des gens qui se disent «alcooliques», même s’ils n’ont pas bu un verre depuis dix ans.
Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis un fanatique, car j’ai déjà été témoin de cas de dépendance à Star Wars bien plus sévères que le mien, mais une chose est sûre: j’étais quand même plutôt atteint. La majorité des livres que j’ai lus au lycée étaient des romans Star Wars (une quinzaine, sans doute), et je possède la bande originale de tous les films en trois exemplaires.
J’ai même gagné un prix décerné par le sacro-saint studio Lucasfilm; prix récompensant les longues heures que j’avais consacrées à l'élaboration d'un court-métrage Star Wars.


Nous autres fans de Star Wars venons de traverser une douzaine d’années difficiles.
La sortie de La menace fantôme a provoqué un schisme dans la communauté: d’un côté, les extatiques (ceux qui adoraient); de l'autre, les critiques (ceux qui détestaient).
Et vu que je viens de me comparer à un alcoolique en voie de guérison, vous aviez sans doute déjà deviné que je fais partie des critiques.
Chacun des deux films qui ont suivi était pire que le précédent, et j’avais de plus en plus de mal à me percevoir comme un fan. La saga était composée de six longs-métrages, et j’en détestais la moitié (par ailleurs, Le retour du Jedi ne m’avait qu’à moitié convaincu).

Puis vint l’occasion d’exposer à la nation entière toute l’étendue de mon angoisse existentielle.
Il y a deux ans, une équipe de documentaristes m’a interrogé dans le cadre de l’un de leurs projets, The people vs. George Lucas. Ils y faisaient la chronique de la désillusion des plus grands fans de Star Wars, et ils voulaient que je donne mon opinion sur les minables préquelles et sur les éditions spéciales de la première trilogie.

A priori, j’étais plutôt partant, mais l’interview ne s’est jamais faite.
Il aurait été particulièrement difficile d’organiser la rencontre; et puis, franchement, le sujet ne m’intéressait plus vraiment. Je me suis soudain rendu compte que le fan de Star Wars que j’étais avait traversé les 5 étapes du deuil.
Mon univers de science-fiction favori (qui fut l’une des principales raisons pour lesquelles je n’ai jamais embrassé une seule fille avant d’arriver à la fac) avait cessé de vivre —et je l’acceptais.

Le documentaire a été présenté en avant-première au festival South by Southwest de l'an dernier, et je suis allé le voir début mai, à New York, lors d'une sortie en salle limitée.
Les interviews des fans m'ont permis de revivre les cinq étapes du deuil —version Star Wars.

La première (le déni) est survenue après la projection de La Menace fantôme, en 1999.
Le film était mauvais, et je n'arrivais pas à me faire à cette idée. Je suis allé le voir une demi-douzaine de fois. J'y ai même emmené une fille. Dans mon entourage, tout le monde trouvait le film lamentable —à raison. Qui-Gon était un vieux schnock, Anakin était un sale gosse, et dire que jar Jar Binks est le personnage le moins drôle que la terre ait jamais connu —de la Préhistoire à nos jours— serait un euphémisme.
Même les duels au sabre laser étaient devenus assommants; un comble.

«Mais George Lucas voulait juste planter le décor, disais-je alors pour défendre le film. Ce film est très différent de la trilogie originale»;
«Vous devriez vraiment redécouvrir l'enfant qui est en vous»;
ou encore «C'est un film très fin, très politique».
Je ne souviens plus vraiment de mes arguments d'alors —tout ce que je sais, c'est que j'avais tort.

Puis vint la colère. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier.
C'est en me réveillant, un matin, aux côtés de ma petite amie de l'époque, que la vérité m'est apparue.
Je n'aimais aucun de ces personnages. Le scénario était tiré par les cheveux. Aucune réplique, aucune scène n'était mémorable.
En somme, je détestais ce film.

Ma copine a ainsi découvert que j'éprouvais de la haine pour un gamin tout ce qu'il y a de plus fictif, et que c'était la première chose qui m'était passée par la tête en m'éveillant à ses côtés.
Elle n'était pas enchantée, mais je n'en avais cure. J'étais en rogne.
Toutes ces heures passées à étudier l'univers de Star Wars, à en explorer les moindres détails, gâchées!
Comment George Lucas avait-il pu réduire tous mes efforts à néant?

Pris d'un espoir stupide, j'ai tout de même attendu la sortie de l'épisode 2.
Ils disaient que ce serait l'équivalent de L'Empire contre-attaque: un deuxième volet de plus grande envergure, plus sombre, plus complexe.
On y verrait moins d'enfants (et moins d'audiences du Sénat).

Et une fois de plus, la déception fut au rendez-vous.
Lorsque La Revanche des Sith est sorti en salles, je suis allé le voir dans l'unique but d'expliquer à un ami (le seul qui appréciait ces préquelles) à quel point il était imbécile.
À ce stade, même l'ancienne trilogie avait été polluée par la nouvelle.

Troisième étape: la négociation.
Elle est très présente dans The People vs. George Lucas.
On y voit de nombreux fans se poser ces éternelles questions philosophiques: «Après tout, à qui appartient l'art?», ou «Moralement parlant, Lucas a-t-il le droit de modifier ses propres films?».

J'ai déjà lancé ce type de débats; en général, ils finissent tous par dégénérer en dispute au sujet de la scène de la Cantina, pour savoir si Han Solo avait bel et bien tiré le premier.
Ces dernières années, j'ai négocié à ma manière, en tentant de trouver une nouvelle série de science-fiction susceptible de me passionner (histoire de gâcher un peu plus encore ma vie).

J'ai commencé par le choix le plus évident, Star Trek.
J'ai regardé l'ensemble de la série originale, The Next Generation et Deep Space 9; elles m'ont bien plu, mais ce n'était pas la même chose. Certes, il est toujours amusant de voir une bande de types tirer sur des anomalies spatiales à coup de faisceaux de tachyons, et vivre des aventures clairement inspirées de questions sociétales —mais honnêtement, ça ne vaut pas Star Wars.

J'ai embrayé sur les Doctor Who des années 1970; là encore, la tentative n'a pas été concluante.
J'adore l'énergie frénétique et le sourire tout en dents de Tom Baker, mais ces épisodes ont mal vieilli. Très mal vieilli. C'était sans doute très bien à l'époque (et à choisir, je préfèrerai toujours Doctor Who à Kojak), mais le rythme glacial et les effets spéciaux bancals ont fini par me taper sur le système.

J'ai bien aimé Lost, mais les dernières saisons ont gâché l'ensemble de la série.
J'ai même fini par regarder les dessins animés Pokémon —qu'on ne peut pas franchement qualifier de série de science-fiction.

Rien n'y a fait; je n'ai pas pu combler le vide.
À son âge d'or, Star Wars donnait l'impression d'être plus qu'une simple série de longs métrages. Les personnages de la saga avaient une belle épaisseur, pour reprendre une expression de Mike Leigh: lorsqu'un personnage secondaire quittait l'écran (l'amiral Ackbar, par exemple), on pouvait parfaitement l'imaginer en train de vivre sa propre aventure parallèle.
Seule la trilogie originale m'a fait cet effet.

Pour ce qui est de la quatrième étape, la dépression, inutile de vous faire un dessin: il vous suffit d'imaginer un homme de 30 ans en train de regarder 150 épisodes de Pokémon.

Puis vint la cinquième, et dernière: l'acceptation.
Dans mon cas, ce fut plutôt de l'indifférence.
Un dessin animé Star Wars (The Clone Wars) est sorti en 2008. Il y a quelques années, j'aurais été le premier à faire la queue devant mon cinéma pour l'avant-première nocturne. Je ne suis même pas allé le voir. Je suis tombé dessus plus tard, sur une chaîne du câble. Je ne me souviens plus très bien du scénario; je l'ai regardé d'un œil, en faisant le ménage. Notre époque est sans doute la plus riche en contenu Star Wars, mais tout cela ne me fait ni chaud ni froid.


Enfin, il y a tout de même une exception.
Il y a quelques mois, j'ai acheté le jeu Star Wars : Cantina, pour mon iPod Touch.
Ce n'est guère plus qu'un Tapper ou qu'un Diner Dash à la sauce Star Wars, mais j'ai plutôt accroché. Servir des verres dans une galaxie lointaine, très lointaine: voilà bien dix ans que la saga ne m'avait pas apporté un tel plaisir.
En voyant les oncles Owen et les Greedos déambuler dans mon petit bar, je me suis souvenu de ce que j'avais aimé dans Star Wars; cet univers si vaste, où l'on pouvait faire mille rencontres passionnantes et vivre d'innombrables aventures.

Une fois le jeu fini, je l'ai effacé de mon iPod.
On ne plaisante pas avec la désintoxication.

Will Carlough
se plaint des mauvais films et d'autres choses sur son blog diogenesclub.net
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Manuel
#849

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