sábado, abril 11, 2009

Je suis chinois, mais je me soigne

Rêvons un peu. Rêvons que depuis quelques jours nous nous trompons.
Qu'à décortiquer ligne à ligne le communiqué du G20 de Londres, nous n'ayons pas vu l'essentiel. Nous commettrions la même erreur qu'en décembre 2001, lorsque, encore obnubilés par le 11-Septembre et la faillite frauduleuse d'Enron, nous avions négligé l'importance de l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce. Car, quand même, ce n'est pas rien cette promesse faite le 7 avril par le gouvernement chinois d'améliorer son système de santé.

Certes, tous les sinologues le répètent à l'envi : il y a loin de la coupe aux lèvres. Mais dépenser 95 milliards d'euros en trois ans pour étendre la couverture sociale à 90 % de la population et créer 700 000 centres de santé dans les villages, ce n'est pas négligeable. D'ici à 2020, tous les Chinois devraient, c'est promis, bénéficier d'une couverture-santé.

Il serait temps : la Chine est l'un des pays les plus inégalitaires en la matière. Troisième économie mondiale, elle n'est classée qu'au 144e rang (sur 190 pays) pour la qualité de son système de soins par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Notamment parce que ce secteur a été, comme le reste de l'économie, soumis à des critères de gestion privée.

Alors que l'Etat prenait à sa charge 32 % des dépenses de santé en 1978, sa part n'est plus que de 18 %. En revanche, celle des particuliers atteint 49 %. Un exemple parmi d'autres des dysfonctionnements : comme les hôpitaux, responsables de leurs budgets, gagnent de l'argent sur les médicaments qu'ils vendent aux patients, nombre de médecins ont, paraît-il, la main lourde.

Et encore : si vous avez accès à un hôpital, ne vous plaignez pas. Dans les campagnes, le personnel médical est une denrée rare. Au point que la mortalité infantile est incomparablement plus élevée dans les zones rurales que dans les régions côtières.

La mise en place d'un système de santé publique digne de ce nom en Chine est donc une bonne nouvelle. Pour les Chinois bien sûr. Mais pour nous aussi. Faute de couverture sociale, les Chinois épargnent au lieu de consommer. S'ils savent pouvoir compter sur l'Etat pour prendre en charge les aléas de la vie, ils deviendront un peu moins fourmis et un peu plus cigales, ce qui ne peut que favoriser nos exportations. On l'a oublié : en Europe, la Sécurité sociale a été une des causes - et non une des conséquences - des Trente Glorieuses. Que la Chine suive cette voie est une nouvelle réjouissante.

Pour peu que Barack Obama parvienne à donner une couverture-maladie aux 46 millions d'Américains qui en sont dépourvus, la protection sociale aura considérablement progressé sur la planète. Mais qu'on ne se réjouisse pas trop vite. Selon l'OCDE, plus de la moitié de la population active mondiale, soit 1,8 milliard de personnes, travaille au noir et ne dispose donc pas de couverture sociale.
Rêvons, oui, mais restons éveillés.

par Frédéric Lemaître, Le Monde, 10-04-09


Manuel
#381

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